32 – Gare à la gare

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Ce matin sur le quai les banlieusards s’amassaient,
— billets compostés, gueules compassées.
Mises en plis, calvities, démons de midi
attendaient gentiment
le train d’sept heures et demi.
Le chef de gare ajustait sa casquette,
le vieux loubard astiquait ses baskets.
Et dans cette brume où l’on ne voyait goutte
il n’y avait guère de place pour l’ombre d’un doute.
Gare à la gare,
le train ne devrait plus tarder.
Léger retard,
mais pas de raison de s’inquiéter.
Pas de raison de s’inquiéter.
Ceci dit, plus ça allait et moins on y voyait
— orteils gelés, crispés, recroquevillés.
Mais du beau milieu de la sacrée grisaille
rien d’autre n’émergeait
qu’ces deux vieilles paires de rail.
Ça commençait à s’énerver sérieux,
sur les poignets ça jetait des regards anxieux,
quand une p’tite fille, montrant le chef de gare,
soudain dit à sa mère : « Je lui trouve l’air bizarre ».
Gare à la gare,
le train a dû se perdre en route.
Pas de bagarre,
tout ira bien coûte que coûte.
Tout ira bien coûte que coûte
Alors sans crier gare, entouré d’oiseaux blancs
— mouettes, pélicans, deux trois cormorans — ,
un vieux paquebot a surgi du brouillard
et d’un coup de sirène
a hissé l’drapeau noir.
En un clin d’oeil tout l’monde était à bord.
D’un coup d’un seul tout le monde était d’accord.
Les banlieusards furent menés en bateau
et au premier récif finirent au fond de l’eau,
et au premier récif finirent au fond de l’eau.
Gare à la gare,
un paquebot n’est pas que beau !
Le chef de gare
a trouvé ça très rigolo.

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