37 – Ode-reggae à Michael Smith

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Pendant longtemps, de ce côté de
l’océan,
sans trop savoir j’ai cru penser
qu’on pouvait construire le présent
sur les seules ruines du passé.
Et au fil des ans l’Occident s’est
demandé
comment, tout bien considéré,
comment le reflet d’une allumette
allumait le reflet d’une cigarette.
Et puis le 17 août dernier j’ai lu les gazettes.
Dernières nouvelles de Jamaïque :
voilà qu’on lapidait les poètes,
on avait tué Michael Smith.
(Le sang va couler, le sang va couler.)
Toutes ces questions d’un coup semblaient bien
dérisoires.

« Cela », avait-il dit, « cela va vous surprendre,

mais le sang va couler. » Il avait l’air d’y croire.

Ni crime, ni suicide, c’était pire qu’une offrande.
(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Y’a 29 ans de c’la, y’a donc pas si longtemps,
pour lui pendant 9 mois le sang n’avait plus coulé.
Et les larmes de sa mère que tout le ghetto attend
sur la peau noire qui se ride refusent encore de couler.
Il disait : « Je sais que tu seras surpris. »

Il disait : « Libération plutôt que révolution. »

Il disait : « Pas seulement moi, mais toi aussi.

 » Michael Smith, tu aurais dû faire attention !
(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Ce fut donc plus qu’un crime puisqu’en pleine avenue
trois hommes l’ont entouré mais que personne n’a rien vu.
Mieux qu’un suicide ensuite car c’est vers un cimetière
que l’a guidé sa fuite, y’a pas d’lieu plus désert.
Pire qu’une offrande enfin puisque malgré l’église
ils l’ont salement coincé au pied de Stony Hill.
Comment fallait-il donc qu’autrement il le dise ?
« Le sang va couler ! » — Réponse : « Ainsi soit-il ! »
Après l’avoir coursé, ils se sont amusés
à ramasser les pierres que leur tendait la colline.
Et ils ont confirmé avant de le massacrer :
« Le sang va couler ? Là, on te suit sur toute la ligne ! »
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Il disait : « Je sais que tu seras surpris. »

Il disait : « Libération plutôt que révolution. »

Il disait : « Pas seulement moi, mais toi aussi. »

Michael Smith, tu aurais dû faire attention !

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)

(Le sang va couler, le sang va couler.)
(Le sang va couler, le sang va couler.)
Ton chemin de pierre était peut-être anticipé.
Tu ne portais pas de croix ni de médaille de supplicié.
Ce n’était pas la peine de dire du mal du parti :
un jour ou l’autre, tu sais, le parti serait parti.
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Tu as voulu parler comme parlent les poètes,
mais on t’a écouté comme on écoute les prophètes.
Qui donc a profité de ce que tu semais en route ?
A l’heure où l’on te tuait je regardais l’match de foot.
Moi qui pendant longtemps, planqué
en Occident,
moi qui sans trop y croire avait eu
cette idée
qu’il suffisait peut-être pour construire
le présent
de relever sans cesse les belles
ruines du passé.
Ni Rimbaud, ni Dylan, ni même
Léo Ferré
à l’amour des belles pierres n’ont ainsi
sucombé.
Ces valeureux gaillards, sans l’aide
de la police, n’ont pas voulu pleurer la mort de
Michael Smith.
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !
Michael Smith, oh Michael Smith,
tu aurais dû faire gaffe !

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